Johnny Hallyday pour Télérama

johnny hallyday telerama

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Interview fleuve de Johnny Hallyday pour Télérama.

Voici quelques extraits :

 

Il sort un nouvel album, “Rester vivant”, et s’installe à Bercy avec Jacques Dutronc et Eddy Mitchell du 5 au 10 novembre (en attendant une tournée en 2015). Dans une longue interview pour “Télérama”, Johnny Hallyday, rencontré à Los Angeles, se livre avec pudeur et sincérité. Voici une partie bonus de cet entretien publié dans notre magazine.

Esprit rock, es-tu là ?

« L’argent, c’est sûr, a pas mal pourri le rock ‘n’ roll. C’est devenu un business dont je fais partie. Le rock ‘n’ roll, le vrai, celui des origines, n’est plus. Le rock ‘n’ roll authentique s’est arrêté avec Eddie Cochran, Gene Vincent et ces gars-là. Depuis, il existe une musique inspirée de lui, qui en découle. Mais aujourd’hui, on qualifie de rock ‘n’ roll un peu n’importe quoi. Pour être honnête, la musique d’aujourd’hui, ce que j’entends dans son ensemble, me gonfle un peu. Je ne parle pas de Stromaeque j’ai vu en concert. C’est bien ce qu’il fait, mes filles adorent. Mais ce n’est pas ma musique.

Sinon, le « rock ‘n’ roll man » absolu reste sans conteste Mick Jagger. Et puis, il y a aussi Bruce Springsteen, même si son travail est beaucoup plus axé sur les textes, qui reste, dans l’esprit, un pur rocker. Mais je n’en vois pas beaucoup d’autres. »

Premiers modèles

« Au début, à part les évidents Elvis Presley, Gene Vincent ou Eddie Cochran, j’écoutais l’Anglais Marty Wilde. Le père de Kim, qui chantait Endless Sleep. Et puis le tout premier rocker britannique, Tommy Steele, avec Rock with The Caveman etSinging the Blues. Mais l’autre que j’appréciais énormément, c’était Lonnie Donnegan. Il ne faisait pas du rock, mais du skiffle. “Sweet sixteen goes to church, just to see the boys”… “Does your chewing gum lose its flavor on the bedpost overnight ?”… et tous ces trucs-là. Déments. On ne jouait pas trop de skiffle en France, avec la planche à laver et tout ça, mais j’adorai. En plus, Donnegan était un véritable showman. J’avais vu un show de lui, un petit film tourné au Palladium de Londres, et c’était assez rock ‘n’ roll, ce qu’il faisait sur scène. »

Ce radin de Maurice Chevalier

« Ma tante connaissait, je ne sais pas comment, Maurice Chevalier… Je l’ai rencontré adolescent alors que je jouais un peu de guitare en chantant des petites chansons comme Davy Crockett. Ma tante m’avait amené chez lui à Marnes-la-Coquette pour qu’il m’entende et me conseille. Il m’avait invité à déjeuner. Mais il était réputé pour sa radinerie. Et j’ai pu le constater. Déjà, il avait un pianiste attitré, son seul musicien, qui l’accompagnait sur scène, qui faisait aussi office de majordome, à plein temps, dans sa maison. On me sert des pâtes puis le majordome propose : “Vous prendrez du fromage après ?” Chevalier l’arrête net, furieux : “Vous n’êtes pas fou, il y avait déjà du fromage sur les pâtes ! Ça suffit amplement !” Il m’a tout de même dispensé gracieusement ce conseil : “Petit, tout ce que j’ai à te dire si tu veux faire de la scène : soigne ton entrée, soigne ta sortie et au milieu, et bien, tu te démerdes !” Je n’ai pas trop retenu la leçon, parce que je crois qu’il faut tout donner du début jusqu’à la fin. Mais je suis quand même ressorti émerveillé par sa belle maison avec un parc, alors que nous habitions à cinq dans une seule pièce à Paris. J’ai pensé : “Un jour, j’aurai une maison pareille.” Aujourd’hui, lorsque je suis en France, je vis effectivement dans une propriété à Marnes-la-Coquette, à trois maisons de celle où il habitait. J’avais environ 12 ans. Et quand même un peu de suite dans les idées. »

Rocker mais obéissant

« Ma carrière a démarré sur les chapeaux de roue, puis j’ai dû faire mon service militaire. A l’époque, c’était mal vu de ne pas faire son armée. J’avais un manager qui s’appelait Johnny Stark, qui me disait qu’il ne fallait pas faire comme Jacques Charrier qui, en ne faisant pas son service, avait sabordé sa carrière. C’est vrai, ça a été fini pour lui après. Stark me disait : “Tu débutes, tu ne vas pas tout foutre en l’air.” J’ai obéi, parce que je n’étais qu’un môme. Tout le monde faisait son armée à l’époque, alors pourquoi pas moi ? Maintenant, bien sûr, je trouve ça ridicule, le service. De toute manière, j’ai toujours été contre la guerre. Et contre les religions, toutes. Les guerres viennent toujours des religions, non ? »

Place de la Nation, 1963

« Tout s’est fondu dans l’inconscient. C’était le début de Salut les Copains, j’étais devenu le chouchou de la revue, qui allait fêter son premier anniversaire avec un concert place de la Nation. Je tournais le film D’ou viens-tu Johnny ? quand on m’a appelé et ramené à Paris. Mais il n’y avait pas que moi. C’était vraiment le premier festival. Nous étions nombreux à chanter deux ou trois chansons, devant cette foule immense. C’était la première fois, en France. Plus de 100 000 personnes. On était encore loin de Woodstock. Et il y avait tous ces gamins, très jeunes, qui montaient dans les arbres. Impressionnant, forcément. J’étais dedans, au milieu, et je ne réalisais pas ce que cela signifiait. A l’époque, il n’y avait pas vraiment de salles de spectacles pour cette musique. Il y avait L’Olympia à Paris mais, dès qu’on allait en province, on jouait surtout dans des salles de cinéma. C’était les débuts du rock ‘n’ roll en France, c’est tout. »

Elvis, la déception

« J’ai arrêté d’aimer Elvis à partir de ses films sur Hawaï et compagnie… Après l’armée, il est devenu autre chose, ce n’était plus le Elvis que j’appréciais. Il est tombé dans ce système américain de Vegas, la formule familiale destinée à un public qui vient voir un mythe plus qu’un artiste. La voix était toujours là, intacte, fabuleuse, mais il n’y avait plus d’enjeu, d’investissement de sa part. Il n’offrait plus qu’un divertissement rodé, sans surprise. Tout ça parce qu’il était coincé aux Etats-Unis, à cause du colonel Parker, son manager, qui lui avait interdit de quitter le pays, de voyager. Parce que Parker n’avait pas de papiers. Je crois qu’Elvis en a été très malheureux. Quel dommage. Ça aurait été génial de pouvoir le voir en Europe. Qui sait ? L’histoire aurait peut-être été complètement différente… »

Jerry Lee Lewis, sidérant

« Jerry Lee Lewis, c’était quelque chose. Je l’ai vu en concert à Nashville, dans les années 70. Il donnait deux concerts, un en matinée, un en soirée. Il m’a sidéré. Il arrivait sur scène avec un magnum de whisky. Déjà, il avait toujours son piano monté sur ressort, de sorte que lorsqu’il jouait, l’instrument bougeait, tanguait tout le temps. Et puis, il avait un magnum de whisky qu’il sirotait pendant tout la durée de son set d’une heure et quart. A la fin, le magnum était vide. Je me demandais comment il tenait. Après le premier show, je vais dans la loge avec Sam Philips, le patron de Sun Records, qui m’avait invité à le rencontrer. Là, Jerry Lee avait une autre bouteille de whisky qu’il buvait sans discontinuer. Et deux heures plus tard, il remontait sur scène avec un nouveau magnum, plein, sous le bras et recommençait. Hallucinant. »

Mon copain Jimi

« J’avais rencontré Jimi Hendrix dans une boîte à Londres, en 1966, un soir où je dînais avec Otis Redding. J’y croise Chas Chandler, des Animals, dont j’avais adapté la version de The House of the Rising Sun pour le Pénitencier. Il était là avec le poulain qu’il manageait désormais, un guitariste venu d’Amérique. Là-dessus, on l’entend jouer, dans la pièce à côté. On pousse la porte et je le vois, pile au moment où il mangeait sa guitare, quand il jouait avec ses dents ! Je trouve ça incroyable et demande à Chas d’où il sort. Et il me l’amène boire un coup avec nous après son set. Le courant passe. Je lui propose de se joindre à la tournée qui démarrait la semaine suivante. C’est ainsi qu’il a monté son groupe en catastrophe, avec Mitch Mitchell et Noel Redding. Dans le club, il jouait encore tout seul.
C’est à cause de lui que j’ai enregistré Hey Joe. Il le jouait sur scène. Quand il a enregistré le titre, à Londres, il m’a appelé pour me dire qu’il fallait absolument que j’en fasse la version française. Nos deux versions sont sorties en même temps, le même jour. Lui était N°1 en Angleterre, moi en France.
A Paris, il a logé chez moi. Et il dormait avec sa guitare, en la serrant dans ses bras. Je lui disais : “Mais tu ne préfères pas dormir avec une fille ? Tu sais, tu peux en ramener une ici si tu veux.” Il me répondait : “Non non, je suis mieux avec ma guitare.” C’était un garçon très attachant. Sa mort d’overdose m’a terriblement attristé. »

Mon pote Jim

« J’ai beaucoup vu Jim Morrison juste avant sa mort. Je le retrouvais tous les soirs au Rock ‘n’ roll Circus, la boîte de Sam Bernett. On y passait la nuit, jusqu’à la fermeture, à 7 heures du matin. Jim et moi, on se retrouvait sur le trottoir, un verre de whisky dans la main et deux Mandrax dans l’autre. Mais il parlait peu, il n’y arrivait plus. Il marmonnait dans sa barbe, grommelait comme un fauve de sa voix très grave. A un moment, il se levait et disparaissait je ne sais où jusqu’au lendemain soir… Un soir, on l’a retrouvé mort, dans les toilettes de la boîte. C’est longtemps resté un secret. Pour que la boîte n’ait pas d’ennuis, il avait été transporté chez lui. Il est mort après avoir ingurgité une dope qu’il n’aurait pas dû. Il avait avalé par erreur des cachets qui étaient destinés à sa compagne… Quel gâchis. Il était dans très un sale état. Mais ce type écrivait des textes et des chansons incroyables. Quel groupe, les Doors ! Avec les grands poètes du rock, je n’ai pas eu de chance. Entre unDylan mutique et l’autre qui grommelle puis casse sa pipe… »

La drogue, l’alcool

« Tous les gens qui se droguent, soi-disant pour faire du rock ‘n’ roll ou à cause du rock ‘n’ roll, c’est une fausse excuse. Dans le milieu de la musique, c’était beaucoup plus facile de trouver de la dope, et du coup d’être tenté. Ne serait-ce que pour faire comme tout le monde. C’est une question d’époque aussi. Il y avait un vrai phénomène de mode autrefois. Et beaucoup sont tombé dans l’excès juste pour être dans le coup, alors qu’ils n’en avaient pas réellement besoin. Et encore moins la constitution. Keith Richards, par exemple, est quelqu’un d’intelligent. Il sait très bien ce qu’il fait, quand il faut s’arrêter. Brian Jones, à l’inverse, a été incapable de se maîtriser, de poser des limites.
Mais c’était un temps où le monde du rock était coupé de la réalité. Ceux qui se droguent aujourd’hui juste pour imiter leurs idoles d’autrefois, ce n’est pas très intéressant. Ça n’a plus de sens. Au fond, la seule substance qui ne s’est jamais démodée est l’alcool. Quand on voit tous ces gamins qui se mettent dans des états minables aujourd’hui. L’incertitude de la vie y est pour beaucoup, j’imagine. Ils ont besoin de quelque chose pour oublier leur peur matérielle de l’avenir. »

A Nashville avec… Kiss !

« Nashville, c’est incroyable comme ça a changé. Quand j’enregistrais mes albums là-bas, il y a longtemps, il n’y avait que des petites maisons. Aujourd’hui, avec ses buildings, on dirait downtown Los Angeles ! Mais à l’époque, j’aurai aimé y vivre.Eddy Mitchell me disait toujours : “Là-bas, c’est dément, tu donnes un coup pied dans une poubelle, il y a trois guitaristes qui en sortent !” Une fois, j’étais dans cet hôtel à Nashville, avec une piscine en forme de guitare. J’étais en ville pour enregistrer. Un jour, j’ai été réveillé en sursaut. Le groupe Kiss était en ville pour un concert et s’était installé dans le même hôtel. Le bordel que c’était ! Ça courait dans tous sens, de chambre en chambre, je ne comprenais pas ce qu’il se passait. J’ouvre une porte au hasard, et je tombe sur ces mecs déguisés, entourés d’une horde de nanas à poil ! C’était une soirée mémorable, on va dire… Evidemment, le mobilier a fini dans la piscine. »

La Star Ac’, The Voice, La Nouvelle Star, etc.

« C’est terrible ces émissions de télé-réalité où l’on dit à des gamins qu’ils sont les nouveaux James Brown, Aretha Franklin ou Kurt Cobain. C’est n’importe quoi. Personne ne remplace personne. Et surtout pas ceux-là. On est soi-même ou bien juste un sosie, un imitateur. En leur faisant croire aux étoiles, en réalité, on leur casse leur rêve. Ça dure quoi, un an au mieux ? Après, c’est fini. Depuis le temps, il y en a beaucoup qui ont gagné, mais ils sont où ? Il reste qui ? Jenifer, Nolwenn… C’est maigre. Bon, il y a aussi Julien Doré qui a écrit un titre pour moi. Lui est plus malin que les autres. Il fait beaucoup de choses, il est un peu comédien aussi. Mais personne n’apprend à personne. Il n’y a que la volonté et se frotter au public qui permet de découvrir et montrer ce que l’on a dans le ventre, de quoi on est capable, qui on est vraiment. Les conseils, ça va cinq minutes… »

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4 comments

  1. Toujours égal a lui même!
    avec le temps il s’est assagi !
    Mais en concert, ce mec reste une bête de scène !
    J’ai 55 ans et j’ai encore dans ma tête le premier concert que j’ai vu de lui: Palais des Sports 1976, c’était magique pour le gamin que j’étais !
    Merci Monsieur JOHNNY.

  2. bravo johnny de montrer le vrai chemin aux jeunes qui tentent d,imiter et se prendre pour les vrais et ce que tu dis a propos de the voice ,, ca prend nos trippes et etre sois meme ,tres bon conseil pour tous les chanteurs ses, surtout a la releve voila, salut johnny

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